Exposé des motifs
La réforme du baccalauréat général, présentée par le ministre de l’éducation J.M. Blanquer comme « un tremplin vers la réussite » propose des innovations intéressantes qui correspondent à certaines orientations soutenues par les écologistes depuis de nombreuses années, mais sa mise en œuvre et la mise en place de Parcours Sup, comme l’absence de propositions pour réduire les inégalités entre les établissements risquent d’instaurer un lycée plus complexe et plus sélectif, aggravant les inégalités sociales qu’il prétend combattre.
Pourquoi changer le bac ?
Le coût financier, estimé à 1,5 milliard d’euro chaque année, et le coût humain, qui sacrifie la plupart des cours de lycée à partir de la mi-mai du fait de la mobilisation des enseignants sont deux arguments importants pour une réforme du baccalauréat. A cela s’ajoute la forme de certaines épreuves « guillotine », dont la réussite est plus fondée sur la capacité des élèves à bachoter que sur l’évaluation de leur capacité à construire une réflexion propre. Enfin, l’utilisation de notes chiffrées sur 20 et la compensation entre les disciplines encouragent une vision stratégique de l’examen, assez éloignée de l’exigence intellectuelle qu’il prétend incarner.
Nous avons, au sein d’EÉLV, défendu la fin du bac ; cependant, la charge symbolique de l’épreuve rend cette option assez difficile à soutenir aujourd’hui sans proposer des alternatives cohérentes. En effet, le bac est aussi perçu en France, sans doute plus que dans d’autres pays, comme un rituel social, même si un jeune français sur 5 reste exclu de ce rituel et si le bac professionnel reste très minoré et même marginalisé.
L’image d’Épinal de l’égalité républicaine présentant chaque année des milliers de lycéens partout en France passant la même épreuve à la même heure est un mythe à déconstruire : les élèves de ce pays ne sont pas tous égaux face au baccalauréat. Les enfants de cadres bacheliers obtiennent pour 77 % d’entre eux un bac général, 9% un bac professionnel, quand les enfants d’ouvriers ne sont que 34 % à obtenir un bac général et 44 % un bac professionnel. Conserver le bac dans sa forme actuelle au nom de l’égalité sociale relève donc d’une certaine forme d’hypocrisie.
Pourquoi ces réformes nous inquiètent ?
En concomitance avec la réforme du baccalauréat, la mise en place de Parcoursup instaure de fait une forme de sélection à l’université. La création de prérequis, la possibilité de limiter le nombre de places dans l’ensemble des filières, la demande de CV et lettres de motivation pour « postuler » dans les universités comme on postulerait à un emploi, ou encore la demande faite aux élèves de faire 10 choix non hiérarchisés, révolutionnent de fait l’entrée à l’université. Si APB était critiqué et critiquable, la nouvelle usine à gaz, créée dans la précipitation, sans aucune remise en cause de l’enseignement supérieur français, élitiste et à deux vitesses (avec sa dualité entre grandes écoles et universités), est une réponse darwinienne aux augmentations d’effectifs. Plutôt que d’augmenter les moyens des universités, on sacrifie les plus faibles qui n’auront plus accès à l’enseignement supérieur. Si on ajoute à cette sélection la suppression des séries, on demande aux élèves d’élaborer de plus en plus tôt des stratégies complexes pour accéder à l’enseignement supérieur, tout en sachant que ces stratégies ne seront pas accessibles à tous. On renforce donc l’élitisme de notre système au détriment de la réussite pour tous. Dans ce cadre, le lycée risque de se transformer progressivement en une usine de tri sélectif du supérieur plutôt que l’achèvement d’une formation « secondaire ».
La relative complexité des combinaisons entre spécialités, l’incapacité probable pour de nombreux établissements de les proposer toutes, risque de creuser les inégalités en élèves plus ou moins bien informés, et entre établissements plus ou moins favorisés. Concernant la réduction des épreuves finales, le choix retenu par le ministre est l’instauration d’épreuves anticipées, qui s’apparenteront plutôt à des partiels. Donc si le mois de juin est allégé, le mois de janvier est alourdi, et la forme traditionnelle et disciplinaire du bac persiste, ce qui ne correspond pas à notre souhait d’évoluer vers une logique de certifications plus appuyées sur des compétences. On prétend lutter contre le bachotage en instaurant l’examen continu.
Enfin, si le ministre propose la suppression des filières générales pour « éviter les hiérarchies artificielles entre les séries », il maintien les filières technologiques à la marge de cette réforme et les bacs professionnels complètement. La hiérarchie entre le bac général et les autres baccalauréats semble moins le contrarier, et il est regrettable que le nouveau baccalauréat ne remette pas en cause cette injustice.
Motion
Les écologistes, réunis en conseil fédéral les 17 et 18 mars 2018 :
– Soutiennent la réduction du nombre d’épreuves finales du baccalauréat, l’instauration d’un« grand oral » qui prolonge l’expérience des travaux personnels encadrés. Cette innovation exige, pour ne pas être un facteur de discrimination sociale, une approche pédagogique différente de l’enseignement en lycée, mettant la formation à l’oral à un niveau d’exigence comparable à celui de l’écrit.
– Soutiennent la plus grande liberté de choix donnée aux élèves pour construire leur bac, à la condition que tous disposent de cette liberté, ce qui signifie de donner aux établissement les moyens d’offrir ces choix et que des passerelles entre les différentes formations existent
– Souhaitent la mise en place d’ « contrôle continu » par la validation progressive et personnalisée de compétences/unités de valeurs en trois années plutôt qu’un examen permanent. (intégré GT)
– Regrettent la mise en place d’un système de « contrôle continu » qui est, en fait, un examen permanent et souhaitent la mise en place d’un baccalauréat par unités de valeurs en trois années.
– Regrettent que la proposition de reconnaissance d’un « supplément de compétences », acquises par l’engagement civique et associatif des lycéens, ne soit pas retenue par le gouvernement. Cette reconnaissance, simple parallèle du service civique volontaire, permettrait à la fois de valoriser des compétences différentes de celles acquises académiquement et donc de valoriser les parcours, mais aussi d’accroître les interactions entre les lycéens et leur quartier avoisinant, essentiels à l’heure du délitement du lien social
– Saluent la volonté de mieux former les lycéens au numérique et à l’informatique, encore sources de grandes inégalités dans l’accès aux services publics ou au marché du travail, mais souhaitent le renforcement d’un enseignement spécifiquement consacré aux enjeux écologiques de notre époque (ressources, climat, environnement…) a fortiori au regard de la consommation énergétique et en matière induites par le numérique et de l’informatique
– Demandent l’extension du tronc commun aux lycées technologiques et professionnels afin de garantir une véritable culture commune à tous les lycéens.
– Demandent la suppression des prérequis dans le système ParcourSup : le lycée ne doit pas être le lieu de la sélection à l’enseignement supérieur, mais doit demeurer le cadre d’une formation secondaire pluridisciplinaire pour tous les élèves. C’est une plus équitable répartition des moyens du supérieur qui permettra mieux à l’université de répondre au défi de la réussite des étudiants.
– Demandent que soit menée une politique de réduction des inégalités entre territoires et établissements : pour cela, il convient de créer une dotation progressive des lycées, sur le modèle de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) . Tous les établissements, publics et privés sous contrat, doivent avoir pour objectif d’atteindre une mixité réelle et seront évalués et financés selon ce critère.
– Demandent une coopération renforcée entre les établissements d’un même bassin de vie, de façon à proposer à cette échelle l’ensemble des combinaisons possibles pour le baccalauréat. L’État doit garantir cette possibilité.
– Souhaitent une évolution pédagogique dans l’enseignement secondaire vers plus de coopération et moins de compétition : proposer des épreuves collectives, développer les évaluations non chiffrées, pour créer des relations de bonne qualité et associer davantage les élèves à la construction de leurs enseignements.
– Demandent, plutôt que l’instauration d’une sélection en entonnoir, la mise en place d’un véritable parcours d’orientation national et européen qui accompagne les élèves dans la construction de leur parcours scolaire puis universitaire, par exemple par la généralisation d’Europass.
– Souhaitent aller vers un bac européen : la mise en place au sein du service public de certifications européennes permettant de généraliser les équivalences entre les diplômes de fin d’études secondaires ; des moyens renforcés pour assurer une mobilité de tous les lycéens en Europe ; la généralisation des sections européennes et internationales dans les lycées.
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