Retrouvez ci-dessous la motion votée lors du conseil fédéral des 17 et 18 février 2024
Résumé
« Il reste toujours quelque chose de l’enfance, toujours… »
Marguerite Duras
Trop d’enfants grandissent dans des familles défavorisées, subissent un environnement pollué et menacé. La CIIVISE a mis en lumière l’importance des violences faites aux enfants notamment sexuelles et intra-familiales. Sous la présidence de Macron un puissant courant conservateur s’attaque à la jeunesse.
Les Écologistes se doivent d’être présents sur les sujets de l’Enfance via un discours fort et singulier. Cette motion se veut un texte fondateur, qui présente nos valeurs et notre vision sur l’ensemble du champ de l’Enfance. Elle a vocation à servir de socle à de futurs textes.
Exposé des motifs
L’enfance est par essence un temps à part. En 1762, l’ouvrage Émile du philosophe Rousseau impose un nouveau champ réflexif autour des droits de l’enfant en tant qu’être spécifique. Au XIXe siècle sont votées les premières lois sur le travail des enfants. Début XXe, les travaux de Montessori et Freinet proposent de nouvelles formes pédagogiques. Puis Dolto invite à penser l’enfant comme un sujet à part et un être ayant des besoins particuliers. En 1989, l’ONU propose la Convention Internationale des Droits de l’Enfant[1], seul traité ratifié par 197 pays. Au XXIe siècle, c’est la petite enfance qui est bousculée par le rapport sur les 1 000 premiers jours [2].
Dans un monde à la dérive, où les droits humains régressent sous les coups de boutoir de la peur, de l’égoïsme, d’un avenir obscurci par le changement climatique en cours, où les inégalités persistent, nous Écologistes affirmons notre vision humaniste et écologiste de l’Enfance, car les enfants d’aujourd’hui sont l’avenir de la société.
Un enfant est une personne à part entière, citoyen du monde, empli de potentiels à découvrir, faire grandir et mûrir, et ainsi lui permettre de devenir un adulte responsable et épanoui. Le temps de l’Enfance doit être un temps préservé, où le jeu, l’ennui, l’insouciance doivent pouvoir exister. Un temps pour apprendre à devenir autonome, à se connaître et à comprendre l’autre : les compétences psycho-sociales, dont la gestion de la frustration, doivent faire partie des éléments indispensables à acquérir via l’éducation.
Un enfant est également un être vulnérable, qui doit être protégé et respecté en tant qu’individu unique, quels que soient ses besoins spécifiques (santé, genre, handicap). Un enfant est doté de droits dès sa naissance, il doit pouvoir se construire en tant que citoyen. Pourtant, juridiquement il est minorisé, soumis à une autorité parentale, tributaire de sa famille pour sa survie et son développement. Politiquement, son statut l’exclut du vote ; bien que bénéficiaire de services publics, bien qu’usager des espaces publics, vivant dans le même monde, respirant le même air, se nourrissant des mêmes aliments, buvant la même eau que les adultes, il n’est pas écouté.
La population française compte 16 millions d’enfants en 2022, soit 23,7% de la population totale [3]. Or 1 enfant sur 5 – soit 2,9 millions- vit en dessous du seuil de pauvreté en 2018 [4]. L’Outre-mer est particulièrement concerné, avec 8 enfants sur 10 à Mayotte et 6 sur 10 en Guyane [5]. Plus de 42 000 enfants sont privés d’un logement [6]. Chaque jour, plus de 200 enfants subissent des maltraitances de la part de leur entourage, bien souvent associées à des violences conjugales [7]. 308 000 enfants sont concernés en 2020 par une mesure de protection. Un enfant meurt tous les 5 jours dans son environnement familial [8].
A ces violences sociales et familiales s’ajoutent les injustices environnementales : le rapport sur les 1000 premiers jours souligne que la période allant de la grossesse aux 2 ans de l’enfant est une période déterminante où se développent le corps et le cerveau. L’environnement y a une influence déterminante. La qualité de l’eau, de l’air, des sols se retrouve dans l’alimentation. Les modes de vie modernes (bruit, sédentarité, écrans) ont un impact sur la santé, le sommeil, la relation aux autres.
Pourtant, du fait de leur naissance, de leur origine géographique et/ou sociale, les enfants n’ont pas tous le même accès à une croissance et à un développement harmonieux, dans un environnement sain et émancipateur. La parentalité moderne est un impensé sociétal. La question de son accompagnement est une grande absente des politiques publiques, alors que les mutations rapides de notre société 2.0 l’ont rendue complexe et plus violente.
L’éducation est envisagée comme un coût et non un investissement : nos écoles sont des passoires énergétiques aux cours bitumées et genrées, aux cantines bruyantes, dont les adultes sont peu ou mal formés et en nombre insuffisant. Les programmes scolaires ne tiennent pas compte des besoins spécifiques des enfants : se cacher, expérimenter, toucher, grimper, rêver au calme, mais aussi aller aux toilettes, se reposer, bouger.
L’école est un lieu où les enfants subissent des discriminations, du harcèlement et des violences et les professeurs ne sont pas toujours armés pour les prévenir ou les gérer.
L’école est un lieu où les enfants subissent des discriminations et des violences : le dernier rapport du Haut Comité pour l’Égalité indique qu’une personne sur deux pense que les situations sexistes ne sont pas condamnées par les professeurs et 4 personnes sur 10 que les garçons manquent de respect envers les filles. Les enfants y subissent aussi du harcèlement scolaire. Selon une enquête de l’IFOP pour l’association Marion la main tendue, près d’un élève sur cinq aurait subi ce type de violences et 65% des enseignants disent qu’ils ne se sentent pas armés pour prévenir ou gérer une situation de harcèlement.
Malgré ces constats alarmants, la France se distingue par un empilement de politiques publiques non coordonnées : santé, éducation nationale, projets éducatifs de territoire, protection de l’enfance, pouvoir judiciaire, politique de la ville et quartiers prioritaires, dispositifs ultramarins, etc.
Une multitude de professions accompagnent les enfants, mais chacune dans son silo, sa tranche d’âge et sa plage horaire, parfois dans les mêmes lieux mais sans temps de coordination et/ou de concertation.
Et dans cette cohorte de personnes qui parlent d’enfance, où est la parole des enfants ?
Comment créer un langage commun et sortir des silos pour permettre des politiques cohérentes et prenant en compte l’intérêt de l’enfant ?
Pour toutes ces raisons, l’enfance mérite une politique publique globale.
Motion
Les Écologistes réaffirment que les enfants sont des personnes à part entière, respectables et que le temps de l’enfance est une étape essentielle de leur développement. Pour nous, l’enfance est une question pivot, nécessitant des compétences transversales et la coopération de l’ensemble des personnes concernées.
Un enfant traumatisé par des violences physiques ou morales, cantonné à sa chambre et aux écrans, privé d’accès à la nature, risque de devenir un adulte abîmé et sans repères. Il faut donc investir sur l’Enfance de manière globale, durable et équitable, via des services publics de qualité.
Les Écologistes sont pionniers en matière de démocratie participative et sont soucieux que l’enfant puisse participer à la décision publique selon son degré de maturité, d’autant plus lorsque la décision l’impacte directement.
Les Écologistes s’engagent à :
- Prendre soin de tous les enfants quels que soient leur âge, genre, handicap, origine géographique ou culturelle
- Donner les moyens nécessaires pour la prévention, le traitement et l’accompagnement du harcèlement, des discriminations et des violences, notamment sexuelles, faites aux enfants.
- Construire l’accès progressif à l’émancipation, comprenant le droit de vote à 16 ans accompagné d’un renforcement d’éducation civique, l’allocation autonomie à 18 ans et la généralisation du RSA aux moins de 25 ans*
- Favoriser dans les politiques publiques à tous les niveaux décisionnels :
- la prise en compte de la parole de l’enfant et sa participation effective à la vie de la cité, en fonction de ses capacités et de son âge
- un urbanisme à hauteur d’enfants, non genré, et qui offre la possibilité de pratiquer des mobilités actives (vélo, transport en commun, marche) en sécurité
- des politiques sociales plus équitables pour lutter contre leur pauvreté (notamment dans les quartiers prioritaires et en Outre-mer)
- Garantir un accès effectif à des services essentiels et qualitatifs : accueil petite enfance, éducation, alimentation saine dès in utero, logement, loisirs et vacances en coopération avec les mouvements associatifs et l’éducation populaire
- Valoriser les métiers de l’enfance jusqu’à obtenir une mixité de genre
- Restructurer collectivement l’Éducation Nationale et ses programmes pour les adapter aux enjeux actuels de justice sociale, environnementale et démocratique dans un cadre bien traitant
- Renforcer les campagnes de prévention au harcèlement scolaire auprès des enfants et la formation des enseignant.es dans ce domaine.
- Développer les compétences psycho-sociales (9), dont l’éducation à la non-violence, l’analyse et le discernement face à la propagande publicitaire ou au harcèlement, notamment numérique, apprendre les règles d’une vie affective et sexuelle basée sur le respect de l’autre et le consentement
- Promouvoir la co-éducation et répondre aux besoins de formation et d’accompagnement des parents, parfois isolés, aux âges charnières que sont la petite enfance, l’adolescence et l’entrée dans la majorité, la société ayant fortement évolué avec l’avènement du numérique et les dangers des réseaux sociaux.
Synthèse des positions antérieures du parti
- Une politique familiale écologiste pour l’épanouissement de l’enfant, l’égalité femmes-hommes, la lutte contre la pauvreté des enfants
- Projet 2022 : école et nature
- Projet 2022 : école et inégalités
Droit de vote à 16 ans :
- Vivant, programme eelv pour la présidentielle 2022. p56 : “Abaisser le droit de vote à 16 ans”
- Programme de la NUPES : “Démocratiser le suffrage : donner le droit de vote à 16 ans, reconnaître le vote blanc, instituer le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales”
- Sénat – Scrutin n°65 – séance du 9 décembre 2021 sur l’article 1er de la proposition de loi pour un nouveau pacte de citoyenneté avec la jeunesse par le vote à 16 ans, l’enseignement et l’engagement – Groupe Écologistes-solidarité et Territoires (12) Pour : 12 Contre : 0 Abstention : 0 N’a pas pris part au vote : 0
Annexes
1 – https://www.unicef.fr/convention-droits-enfants/
2 – https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-1000-premiers-jours.pdf
3 – https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5014911/pyramide.htm
4 – https://www.insee.fr/fr/statistiques/3565548#tableau-figure1_radio2
5 – https://www.insee.fr/fr/statistiques/4622377
6 – https://www.federationsolidarite.org/wp-content/uploads/2022/09/Barometre-2022-vf2.pdf
7 – https://www.unicef.fr/convention-droits-enfants/protection/maltraitances-infantiles/
8 – motion jeunes écolos : https://www.eelv.fr/cf-avril-23-MC-snu/
9 – https://www.santepubliquefrance.fr/competences-psychosociales-cps